Si belle la vie
C'est au cours des études secondaires que j'ai commencé à aller mal c'était en 1986 : sensations de vertiges, de picotements, les jambes molles, les apnées respiratoires, l'impression que le trottoir se dérobe sous mes pas... Bref j'avais tous les symptômes liés à l'angoisse et moi je ne comprenais pas ce qui m'arrivait, j'étais plongée dans le plus grand désarroi. Le médecin préconisait un traitement avec du magnésium que j'ai pris pendant de longs mois mais sans véritable efficacité.
Au bout de deux ans où j'en ai entendu dire des choses "c'est l'adolescence... La croissance (il est vrai que j'avais pris 8 centimètres l'année de mes 16 ans !)... Un manque de vitamines... J'ai finalement trouvé mon salut auprès d'un autre genre de médecin, un psychiatre. Il était temps parce que j'avais fini par faire le lien entre mes symptômes et le fait d'être avec les autres et je fuyais de plus en plus les situations sociales. Pourtant, j'ai toujours eu beaucoup d'amis, je suis une fille plutôt extravertie et rigolote, mais j'évitais de plus en plus d'aller à des sorties, des soirées, j'avais peur de prendre le métro aux heures de pointe, de parler devant un groupe en classe. Je me rappelle très bien que le noir était ma couleur préférée, je choisissais mes vêtements dans ce colorie afin de passer le plus inaperçue possible.
Ce psychiatre, je l'ai rencontré grâce à ma mère qui consultait, de son côté, pour un problème de claustrophobie. Dès la première séance, il a mis un nom sur mes troubles, j'étais phobique sociale... Quel soulagement de savoir que je n'étais pas folle, que je souffrais d'un trouble du comportement et qu'il y avait des moyens de m'aider. J'ai compris beaucoup de choses à l'époque notamment sur l'origine de mes angoisses : j'avais toujours eu une relation fusionnelle avec ma mère, chaque séparation était difficile à vivre pour l'une comme pour l'autre. Je ne sais combien de fois j'ai culpabilisé à l'idée d'aller m'amuser avec des amis alors qu'elle restait à la maison. Mon père était très pris par son travail et donc peu présent. J'ai compris beaucoup de choses sur moi-même et sur mon milieu familial, j'ai mieux compris comment j'en étais arrivée là, à faire attaque de panique sur attaque de panique, à fuir de plus en plus les situations sociales.
Je suis passée par des étapes grande tristesse, de colère et aussi de rejet vis-à-vis de mes parents jusqu'à ce que je comprenne qu'ils m'avaient donné tout ce qu'ils pouvaient et que je n'avais pas à les juger et que, en revanche, de mon côté, je pouvais reprendre ma vie en main et grandir un peu. Ce travail m'a pris 5 ans, de 1988 à 1993. C'est long, c'est vrai, je m'en rends compte aujourd'hui parce que la thérapie était davantage d'inspiration psychanalytique et que cela prend du temps mais bon elle m'a aussi permis de vivre ma vie.
Moi, Johanna, j'ai passé mon bac (j'ai fêté ça avec mes amis en boîte de nuit !), et puis j'ai continué mon petit bonhomme de chemin, j'ai fait des études de psychologie pendant 5 ans à la Fac, jusqu'à l'obtention de mon diplôme. J'ai trouvé du boulot en tant que psychologue. Je ne dis pas que cela fut facile tout le temps mais j'avais retrouvé un équilibre qui m'avait permis de faire des choix dans la vie, d'exercer un métier qui me passionne, d'avoir des amis et puis d'avoir une activité professionnelle. Je n'ai plus eu aucun symptôme pendant plus de 5 ans, de 1993 à 1998.
Et puis un beau matin d'avril lors d'un congrès professionnel j'ai revécu une attaque de panique avec par la suite tout le cortège des peurs et des pensées négatives : "ça y est, c'est revenu, c'est l'enfer, je ne vais jamais m'en sortir, je suis foutue...". De nouveau la peur du regard des autres, d'être jugée, de ne pas être la hauteur, etc... En regardant plus d'un an en arrière, j'ai compris que j'avais trop tiré sur la corde : un boulot qui me prenait parfois plus de 50 heures par semaine, sans compter tout le travail que je ramenais à la maison... Je me maltraitais sans m'en rendre compte par trop d'exigence envers moi-même, par un souci constant de vouloir bien faire et d'être parfaite. Combien de famille ai-je dû accompagner au sein du service dans lequel je travaillais lors de la maladie ou le décès d'un de leurs enfants, sans me ménager de mon côté. Et puis je ne parle même pas d'une relation amoureuse chaotique qui m'a bouffée pendant trois ans et puis une séparation qui fut douloureuse.
Bref, je n'écoutais aucun des signaux que m'envoyais mon corps jusqu'à cette attaque de panique où là j'ai compris qu'il fallait que je réapprenne à me respecter. Et bien oui, ça prend du temps, pas facile de renoncer à certaines choses même si l'on sait qu'elles ne sont pas forcément bonnes pour soi-même. J'ai eu des moments de doute et de souffrance où je croyais que la vie était trop dure et qu'elle ne valait pas la peine d'être vécue, et d'autres où j'avais la rage de m'en sortir. Heureusement c'est cette partie-là de moi-même qui a pris le dessus.
J'ai eu le bonheur de rencontrer un homme, mon amour, avec qui la vie est merveilleuse... Et puis nous avons quitté la capitale pour emménager dans une ville de Province... J'ai lâché mon boulot à l'hôpital, je bosse toujours en tant que psychologue mais plus à temps plein. Bref, j'ai repris ma vie en main en faisant des choix qui me convenaient mieux.
Il y a 7 mois, je suis venue sur ce site pour la première fois, j'ai rencontré un tandem fantastique, tenu par Stanzie et Pierre, qui grâce à leurs judicieux conseils et leur soutien, m'ont permis de reprendre courage tout d'abord et petit à petit de gagner des petites victoires puis des plus importantes. Je sais que la bataille n'est pas encore gagnée mais j'y travaille, je retrouve progressivement confiance en moi et j'apprends à me respecter.
Ajout: Mars 2007
Mars 2007... C'est le temps du bilan... et puis j'ai de bonnes nouvelles à vous donner.
J'ai rencontré Stanzie il y a 4 ans, j'ai également suivi une thérapie pour trouver du sens à mes symptômes, et je peux enfin vous faire part qu'il est possible de se sortir de la phobie sociale.
Je suis libre aujourd'hui : Libre de voir du monde, d'apprécier mes amis, de me dévoiler à eux... Libre de dire non quand ce que l'on me propose n'est pas correct pour moi... Libre surtout vis-à-vis de moi-même. J'ai appris à être plus indulgente envers moi-même au lieu de penser qu'il faut que je sois parfaite aux yeux des autres. Quelle pression je pouvais me mettre avec les Autres tellement j'avais peur de ne pas être à la hauteur, d'être dans l'erreur, d'être mal jugée. Ô bien sûr, je garde toujours un oeil pour ne pas retomber dans ces petits travers. En tout cas, oubliées les attaques de panique, les angoisses à répétition, la boule au ventre avant de sortir. Aujourd'hui, je vois les gens sans aucun souci.
Pas facile pour moi de venir expliquer mon cheminement alors que je vais bien aujourd'hui. C'est comme si je n'arrivais plus à voir les étapes, qui unes à unes, m'ont permis de m'en sortir. Et pourtant, il s'agit bien d'étapes à franchir. J'ai appris cela en me connectant un jour sur le site de DTA. A cette époque, Stanzie mène une session de formation sur le net pour mieux comprendre les mécanismes de la peur, son déclenchement, et là je sens qu'une porte s'ouvre pour moi. Au lieu de subir cette peur qui me paralyse, qui me tord le ventre, je décide de lui tordre le cou. Ô c'est un bien grand mot, parce qu'il m'a d'abord fallu en faire le tour de cette peur, apprendre à la connaître, puis à l'accepter pour ne plus en avoir peur. J'ai travaillé sur le petit enfant qui est en moi et qui a peur.
J'ai été une petite fille anxieuse, collée aux basques de sa mère. Pas étonnant avec un père un peu en retrait et une mère, elle-même anxieuse, qui me surprotégeait, et qui ainsi, ne m'a pas donné la confiance dont j'avais besoin pour aller vers les autres. Il m'a fallu accepter tout cela, parce que ma mère a fait ce qu'elle a pu. Elle-même orpheline de père à l'âge de 1 an, et confiée à sa grand-mère qui l'a élevée, elle est devenue à son tour une mère aimante, très aimante, trop aimante ? En tout cas, voilà, elle m'a donné de l'amour et c'est déjà beaucoup. De cela, je lui serai toujours reconnaissante. Les armes pour affronter la vie, la confiance en soi, il m'a fallu les développer de mon côté. Est-ce pour cela que je suis devenue psychologue ? j'ai appris à mieux me connaître au fil du temps et à mieux connaître les autres... Enfin, cela est une autre histoire.. J))
Pour en revenir à mon travail sur la phobie sociale, j'ai travaillé chaque point qui me posait problème en les hiérarchisant (du plus facile au plus difficile). Par exemple, je pouvais soutenir le regard des autres, être moi-même chez moi (dans un lieu où je me sentais en sécurité) alors que le stress montait quand j'étais à l'extérieur, sans mes repères habituels. J'ai donc établi une liste d'expos à faire, et à refaire jusqu'à ce que cela devienne naturel pour moi (et cela me paraît tellement naturel aujourd'hui, que je n'arrive même plus à imaginer que telle situation a pu me poser autant de problèmes à une période de ma vie !!!!). Pourtant, je me souviens avoir eu de nombreux moments de doutes, de tristesse, de désespoir. Heureusement que Stanzie m'apportait son soutien et son éclairage ce qui me permettait de remettre les choses à plat pour continuer à avancer. Et puis, il y avait aussi, les amis du forum qui me permettaient de ne pas perdre courage.
Je n'oublie pas non plus mon mari qui a toujours été un soutien pour moi. Le seul à savoir mes troubles dans mon entourage, il ne m'a jamais jugée et m'a laissé le temps de progresser à mon rythme. Et puis, c'est souvent lui qui m'aidait à dédramatiser certaines situations. Je me souviens de la fois où j'avais peur d'aller à une réunion avec des collègues et de faire une attaque de panique.. et très simplement, il m'a dit que si c'était le cas, ça ne passerait pas dans le journal de TF1. Ça m'a fait rire, et j'ai pu partir plus sereine. C'est Chantal qui souvent nous répétait qu'il fallait mettre son gros nez rouge pour se moquer de soi-même au lieu de pleurer sur soi...
Les techniques qui sont à votre disposition sur le site sont un réel trésor pour peu qu'on prenne la peine des les intégrer. Après, c'est comme le vélo, une fois qu'on sait pédaler, on n'oublie plus.. J) Aujourd'hui encore, lorsque je vis de l'angoisse et bien, je peux m'appuyer sur la respiration ventrale, et remettre mon esprit à l'instant présent. Tout cela paraît presque magique, mais je vous assure que c'est le travail, la répétition des expos, et une bonne dose d'humour qui permet d'aller de l'avant. J'ai appris à ne pas dramatiser mes échecs, ni le début de petites angoisses, je ne leur donne plus autant d'importance. Du coup, elles n'ont plus autant de prise sur moi.
J'ai eu la chance d'avoir pu garder mon travail à tout moment, même dans les phases les plus sévères de ma phobie sociale. Dans ma fonction, je suis beaucoup plus sûre de moi que dans les situations personnelles où il faut dévoiler une part de son intimité.
J'ai trouvé une stabilité dans ma vie aujourd'hui. Je suis mariée depuis à un homme formidable... formidable parce qu'il accepte mon amour et qu'il me donne le sien. Je suis fière de dire que ce couple est ce que j'ai de plus précieux dans la vie, un bel accomplissement pour moi. C'est une source de plénitude et de sérénité. Heureusement, nous en avons besoin car, confrontés à un problème de fertilité, nous avons des épreuves à affronter, mais cela est aussi une autre histoire... J))
Bonne route à vous.
Johanna
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