Le voyage de mille lieues commence avec le premier pas hors du seuil
- Par Paula
Avant...
Je voudrais dire le mal que ça fait... le poids dans la poitrine...les gestes brusques...la tête en feu...les mains gelées...les pieds dans la glaise...les jambes sans force...les papillons noirs derrière les yeux...l'absence au monde, aux autres...la parole automatique...vide et pleine à la fois...
Je voudrais dire que ça tord, ça torpille, ça écrase, ça broie, ça vrille, ça étouffe...ça empêche...
Transporter ce corps qui ne peut plus, qui ne veut plus. Le faire avancer vaille que vaille, au prix d'efforts surhumains qui laissent désarticulée, pantelante, hagarde, seule.
La folie
Je n'oublierai pas cette panique...J'étais allongée sur la plage à l'heure où l'air devient doux comme une caresse. Et c'est arrivé. J'ai senti l'onde se propager dans mon corps. Doucement mais inexorablement. J'ai quitté mon corps ou mon corps m'a quittée, je ne sais plus. Il avait perdu ses contours, la bulle de vide avait explosé...je ne reconnaissais plus ce qui m'entourait...happée par le vide du ciel...avalée par la terre...j'étais là et pas là...cette sensation terrifiante de disparaître...de sortir de ma tête...comme si j'étais une autre, enfermée dans mon corps que je ne sentais plus...je me débattais sans pouvoir bouger...je hurlais en silence...
J'ai continué ma vie. L'agoraphobie s'est installée petit à petit, sans bruit. Je me sentais mal partout: magasins, lieux clos, restaurants, repas chez des amis, travail, déplacements en voiture, en bus...la foule me faisait peur, le bruit m'agressait, la chaleur m'étouffait, le froid me tétanisait, le vent m'étourdissait, l'orage me terrifiait...et pour couronner le tout, la peur s'est installée sous mon toit. Je me suis mise à éviter tous les endroits qui n'étaient pas nécessaires à ma vie, mais je continuais à fonctionner...travail, amis, voyages, famille, avec des aménagements constants, une anticipation massive et une fatigue qui s'accumulait.
Le seul endroit que je ne pouvais pas éviter était ma maison. Et dans ma maison, le seul endroit qui m'apaisait était mon lit. Enfin de la douceur, de la chaleur, du moelleux, du silence. Grande chance, je dormais... Mon espace s'est réduit, au fil des années, à peau de chagrin. Personne ne savait. J'étais la reine de la dissimulation, toujours avenante et souriante à l'extérieur et morte à l'intérieur. Je n'ai rien oublié de cet enfer.
La rencontre avec Déploie Tes Ailes
Découverte de DTA en juillet 2015. Je dévore la documentation comme une affamée. Tout ce que je cherchais depuis tant d'années était là, mis en mots, rassemblé. Je lis, je relis, je me perds sur le forum. Je pleure de gratitude.
Tout s'éclaircit. Je peux enfin mettre un nom sur cette souffrance qui m'a accompagnée toute ma vie. Je comprends le fonctionnement de l'angoisse, je lis que je ne suis pas folle et que je ne vais pas le devenir. L'espoir renaît. Je ne suis plus seule, d'autres que moi ont vécu cet enfer et ont retrouvé leur liberté.
En même temps tout s'assombrit. Je me sens tellement mal que cette masse d'informations devient hermétique. Je me sens perdue. Terrifiée à l'idée de me lancer dans cette folle aventure. Tellement d'années d'angoisse, un cerveau en vrac, une fatigue terrible, un moral très bas, plus d'estime de moi ni de confiance en moi.
Un chantier gigantesque
Le chantier me paraît gigantesque et la montagne infranchissable. Mais je savais au fond de moi que mon salut était là. Je décide de croire, de faire confiance à Stanzie et je me lance dans l'aventure.
Je garde le souvenir très précis de la panique qui m'a envahie quand je me suis inscrite en août 2015. Telle une naufragée je jetais une bouteille à la mer.
Tout a été difficile. Je ne savais pas demander de l'aide. Je n'osais pas poster. J'avais honte de mon état. Alors j'ai lu, relu la documentation, j'ai suivi le forum sans vraiment y participer et je me suis relaxée, beaucoup relaxée. Je sentais que ça m'aidait. J'ai réussi à terminer ma dernière année de travail.
Septembre 2016 est arrivé. L'année de ma retraite ( on dit jubilation en espagnol...pas sûr que j'allais jubiler...), j'étais libre de mon temps et de ma vie. Mais quoi? Qu'allais-je en faire de ce temps? Je ne savais plus vivre avec moi, je ne savais plus vivre avec les autres. Je m'étais repliée dans ma coquille et en avais bloqué toutes les issues.
Une lumière dans l'obscurité
Mais une lumière brillait dans cette obscurité. DTA m'offrait un abri et des réponses.
J'ai lu encore et encore la documentation...annoté...recopié...surligné...rédigé un programme...réappris à respirer...posté un peu, toujours pas à l'aise...les points bleus, une galère, mais j'ai persévéré...les relaxations, matin, midi, soir, parfois davantage pour apaiser mon corps...j'ai travaillé le profil phobique, j'ai fait mon coming-out à ma famille, mes amis...difficile mais un vrai soulagement...
Pour les expos à l'extérieur, je n'osais pas me lancer. Je voulais rester chez moi mais tout était une menace chez moi aussi. Ma maison était une prison. Que faire, que faire??
C'est un message de Stanzie qui m'a fait bouger ; "À toi de voir ce que tu veux faire...rester chez toi à te poser 1000 questions et te retrouver dans deux ans au même point et déçue de toi ou te mettre dans l'action, faire expo sur expo tout en travaillant les techniques et le profil phobique et retrouver ton autonomie dans un ou deux ans? À toi de décider."
Ma première expo...
Je n'ai pas oublié ma première expo " sortir de chez moi ."
C'est le début de mon histoire. C'est là que j'ai amorcé ce grand virage qui allait bouleverser ma vie.
C'était un jour gris et froid de novembre. Je partais travailler ma peur. Je partais à la conquête du monde, à la reconquête de moi. Anxios au cas où, papiers d'identité si je tombais...cachée dans ma doudoune, capuche sur la tête, écharpe enroulée jusqu'aux yeux, mon armure était prête...mais pas moi...j'ai mis la matinée à me décider, j'allais à l'abattoir, j'allais mourir, c'est sûr...c'était de la folie de faire ça...un cauchemar éveillé...
Un pas hors de la maison, fermer la porte...je vacille...Rentre chez toi...non, je continue ! 10 pas...20 pas...30...100...marcher...pieds de plomb mais marcher...flotter mais avancer...mes jambes 10 mètres devant pour rentrer plus vite...ralentir...pleurer mais marcher...trembler mais continuer...j'avais froid, j'avais chaud, je ne savais plus comment je me sentais...marcher...encore...
Je ne me souviens pas si je suis restée une heure...une éternité, sûrement...
Et rentrer, pousser la porte...m'asseoir, épuisée sur le canapé, le soir tombait. J'ai pleuré de joie, de fierté, de fatigue, d'angoisse...je l'avais fait....j'étais sortie de chez moi, seule et j'étais toujours vivante...j'étais allée au-delà de ma peur. Victoire!
J'ai persévéré dans les expos avec de lourds moments de découragement, de doute et d'envies très fortes de baisser les bras. Pleurer, rager, m'effondrer...je n'y arriverai pas, trop difficile...la peur, toujours la peur, épuisant... Et là, j'ai découvert la force du forum, des modérateurs et des membres toujours présents pour encourager, féliciter, réconforter, orienter, recentrer. Je me suis sentie accompagnée, jamais jugée et à chaque fois les messages reçus m'aidaient à me relever et à reprendre la route. Recommencer, continuer les expos, encore et encore...
Me rassurer...inlassablement....rassurer celle qui a eu peur toute sa vie...apprendre la bienveillance envers moi-même, pas après pas, jour après jour, minute après minute...arrêter de culpabiliser...prendre soin de moi...me mettre en priorité... Devenir douce... enfin...
Petit à petit, j'ai senti que celle qui avait peur de tout commençait à apprécier à nouveau les petites choses de la vie, commençait à se faire confiance ( mon "sac de confiance", comme l'appelle Stanzie, commençait à se remplir.) Mon estime de moi est remontée, certaines expos n'étaient plus des expos. Les moments de répit devenaient de plus en plus nombreux. Ils étaient doux comme du miel.
Le déclic
Et un jour c'est arrivé. J'étais dans ma cuisine avec cette boule au ventre tellement familière, légère mais présente et j'ai senti que je n'y "croyais" plus à cette boule au ventre. Que je pouvais la laisser aller. Qu'elle ne devait pas se sentir obligée de me tenir compagnie où que j'aille. Sa fidélité m'a presque fait sourire. Quelque chose s'est dénoué. Le puzzle prenait forme. J'ai ressenti une délicieuse sensation d'accoster, de rentrer chez moi. Enfin...
Maintenant...
J'ai encore des bouffées d'angoisse mais je sais quoi faire maintenant. DTA m'a donné une magnifique boîte à outils qui me servira tout au long de ma vie.
J'ai retrouvé une grande partie de mon autonomie. J'ai encore des points à travailler mais je savoure une liberté que je pensais ne plus jamais pouvoir ressentir. Je m'étais perdue de vue et me suis retrouvée.
Et tout ça grâce à DTA que j'ai croisé un soir de juillet 2015 où la vie avait perdu toutes ses couleurs et où je me pensais condamnée à vivre jusqu'à la fin de mes jours dans cette prison verrouillée de l'intérieur.
Lancez-vous, faites confiance à Stanzie, elle sait de quoi elle parle, faites confiance aux modératrices qui font la force de ce site magnifique.
Il y a une vie à gagner au bout du chemin, votre vie...ça en vaut la peine, non?
Paula, octobre 2020
Titre: citation de Tao-Te-Ching
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